Comment enseigner la grammaire à l’école primaire ?
Vous donnez des cours de français et vous aimeriez mieux enseigner la grammaire ? Ce n’est plus un secret, le niveau des élèves en orthographe et en grammaire est considéré comme étant en baisse depuis le début des années 2000.
Officiellement, cela constitue même un enjeu de politique publique à l’Education Nationale. Le classement PISA 2022 révèle des difficultés des enfants dans l’écrit et la compréhension de leur langue maternelle.
Par comparaison à d’autres pays de l’OCDE, la France accuse le plus important recul avec 19 points en moins. Les évaluations nationales, désormais imposées à tous les niveaux scolaires, ne sont donc pas si efficaces.
D’après une étude menée par la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance) en 2022, une classe de CM2 commet en moyenne 9 fautes d’orthographe de plus qu’il y a 35 ans.
Dans ce contexte, il est donc important de se concentrer sur la grammaire et sur l’orthographe : les accords, les genres, les phrases, etc. Mais cela soulève une question : quelle méthode efficace pour enseigner la grammaire ? Voici dans cet article comment enseigner la grammaire au primaire.
La place de la grammaire dans les cours de français
Des recherches académiques ont démontré l’importance de l’enseignement de la grammaire et du vocabulaire dans les cours de français.
Un élève qui connaît bien la règle grammaticale est capable de comprendre et d’analyser une langue. Pourtant, cette compétence lui est indispensable dans l’apprentissage des autres disciplines, conditionnant ainsi sa réussite scolaire.
C’est aussi un facteur clé de l’insertion dans la vie sociale.
Par ailleurs, on sait aussi que le milieu social influe sur la réussite scolaire : plus un élève est issu d’une classe sociale favorisée et mieux il sera doté de prédispositions lui permettant de mieux s’exprimer, mieux parler et mieux écrire.
Je m’explique : les familles issues de milieux favorisés ont généralement un accès facilité aux activités culturelles et aux livres, à des environnements stimulants pour leurs enfants (et notamment le développement des compétences langagières dès le plus jeune âge).
Par ailleurs, ces familles favorisées peuvent investir dans des ressources éducatives, payer des cours particuliers à leurs enfants, leur faire suivre des stages et veiller à leur parcours scolaire.
Les connaissances attendues en grammaire permettent aux apprenants de maîtriser l’écriture et la lecture dès le cycle 2 en primaire. Les chiffres disent pourtant le contraire face à la baisse drastique du niveau des élèves en écriture et en compréhension du français.
L’Education Nationale propose déjà des démarches d’enseignement de la grammaire dans le cycle 2 et cycle 3.
Les programmes préconisent notamment l’apprentissage par les leçons dispensées quotidiennement. Le professeur peut à ce titre organiser des cours de soutien scolaire selon le budget de son établissement ou de son académie.
Tout au long de l’année scolaire, cet apprentissage va s’appuyer sur la répétition, la mémorisation et la compréhension. L’Education Nationale recommande également de consacrer au moins trois heures à la grammaire dès les classes de CP, CE1 et CE2.
Quelles méthodes utiliser pour enseigner la grammaire en primaire ?
Les programmes restent vagues et ne donnent pas un guide concret sur les pratiques d’enseignement. Par contre, plusieurs auteurs proposent des ouvrages allant dans ce sens. Certains ciblent plutôt la didactique de la grammaire en FLE, d’autres sont plus holistiques. En tant qu’enseignant, vous allez donc faire des recherches personnelles pour trouver celle qui est la plus conviviale pour vos cours en classe.
Créer un atelier de français
Enseigner la grammaire à travers les ateliers permet à la classe de travailler en petits groupes (de 6 à 10 élèves). Chaque atelier peut durer entre 20 minutes à une heure et se concentre sur une leçon de conjugaison par exemple.
Il est possible de commencer par un atelier dirigé pour que les groupes découvrent le verbe être par exemple. On approfondit la notion de temps, la manipulation en fonction des sujets. Les élèves conjuguent ensuite à l’écrit sur le cahier du jour.
Les autres ateliers du jour reviennent sur des leçons que vous avez déjà vu dans la semaine. Cela peut être un atelier de révision.
De son côté, l’atelier de jeux motive les élèves à apprendre davantage. Cela peut se faire à travers une activité ludique comme le jeu de plateau par exemple. Ils assimilent mieux certaines notions en s’amusant.
Associer grammaire et activités ludiques
Cette méthode pédagogique n’est pas nouvelle chez les enseignants, elle est même utilisée dans de nombreux pays comme la Finlande.
Au lieu d’apprendre en classe, les élèves découvrent la grammaire à travers des activités à l’extérieur. Cela n’est pas la chose la plus aisée des cours de français en raison de l’abondance des règles orthographiques.
Mais comment motiver les élèves dans ce cas ?
S’il faut rester en classe, la personnalisation des mots à travers des figures représente une alternative intéressante.
Cette méthode est déjà évoquée dans la série d’ouvrages « Réussir en Grammaire » (Retz), on la retrouve aussi dans la grammaire par la méthode Montessori.
Le principe est simple, vous prenez des figurines qui accompagnent déjà le livre. Il suffit d’associer la nature d’un mot à une image. Cette méthode convient parfaitement pour enrichir le vocabulaire de la classe.
Les enfants prennent par exemple une figurine rouge pour les noms propres, une verte pour les noms communs. Ils peuvent aussi faire la distinction entre le sujet et le verbe à travers ces symboles.
Notons néanmoins que certains enseignants se heurtent au manque de ressources avec cette méthode. Le choix des supports et des activités dépend donc du budget de la classe.
La production écrite
Nous sommes toujours dans le cadre d’une activité ludique, cet exercice ne devrait pas mettre la pression sur les élèves. Mais comment rendre l’écrit amusant ? Il suffit de choisir le bon sujet. Les élèves peuvent par exemple inventer une histoire drôle, écrire une lettre au Père Noël, raconter leurs vacances, etc.
La production écrite mobilise toutes les connaissances des élèves dans les règles grammaticales.
Ils s’exercent à les mémoriser, à les utiliser et à les structurer.
Bien sûr, réciter une poésie et faire une dictée font également partie des exercices à privilégier en cycle 2 et 3 du primaire. De plus, ces exercices mettent en valeur la grammaire et l’orthographe.
Vous pouvez leur laisser le champ libre ou leur proposer de choisir entre plusieurs options.
Utiliser des supports authentiques et pertinents
Les manuels scolaires ont l’habitude de proposer des phrases du type « Alice mange des pommes » ou « Marie est partie au cinéma après son repas ».
Pourtant, ces phrases sont peu utilisées dans la vie quotidienne des enfants. Ils ont plus de chance de mémoriser un mot ou une phrase qui aura plus de sens pour eux. Les exercices décontextualisés risquent donc de vous desservir en tant que professeur.
Au lieu de cela, je vous recommande plutôt d’utiliser des phrases fréquentes dans des situations réelles. Cela facilite la compréhension.
De même, l’introduction de supports plus authentiques favorisent l’apprentissage.
L’enseignant utilise par exemple des extraits dans un dessin animé ou une chanson connue des plus jeunes. Ainsi, la prochaine fois que la chanson passera à la radio, les élèves se rappelleront de la structure grammaticale du refrain par exemple.
Se servir de la littérature jeunesse
L’avantage avec la littérature jeunesse, c’est que vous pouvez l’utiliser pour toutes les leçons. Les élèves découvrent par exemple les caractéristiques des verbes en identifiant tous les verbes conjugués d’un passage du livre. On leur demande ensuite d’étudier la différence entre le verbe à l’étude et ceux qu’ils ont trouvés.
On peut aussi prendre un extrait de texte simple pour étudier les groupes de mots et leur fonction (bon, vous n’allez peut-être pas choisir un livre de Victor Hugo ou de Jack London). Vous pouvez aussi proposer une leçon sur les formes de phrase. Les élèves sont divisés en petit groupe, chacun identifie un type de forme.
Cet exercice leur permet d’identifier les caractéristiques d’une forme. Ils peuvent même construire un aide-mémoire pour réviser chez eux. Le plus difficile dans ce travail est la sélection de l’auteur et de son ouvrage.
Décloisonner la grammaire des autres activités
Plusieurs études académiques préconisent de ne plus traiter la grammaire comme une discipline. Pour cause, cette pratique favorise un apprentissage décontextualisé, qui serait mauvais pour la mémorisation.
En l’occurrence, la grammaire fait partie d’un tout composé de l’écriture et de la lecture à l’école. Au lieu de séparer la grammaire, la lecture et la dictée en plusieurs séances, elles deviennent un seul et même cours.
Ainsi, la leçon de grammaire sert par exemple à comprendre plusieurs notions que l’on a lu dans un texte en classe. Il constitue également un outil pour préparer une production écrite.
Favoriser l’interaction entre les élèves
D’autres études empiriques se sont également intéressées aux différentes approches pour assimiler une leçon.
Il ressort que l’approche « intégrée » a montré son efficacité, notamment à l’écrit.
Au lieu de donner un exercice individuel à faire aux élèves, vous les réunissez autour d’un exercice de lecture ou d’écriture. Notons que cela fait déjà partie des pratiques adoptées dans les cours de langue.
L’objectif est d’encourager les interactions entre les élèves : discussion, analyse, réflexion, etc. Vous vous posez uniquement en tant que médiateur pour trancher en cas de litige pendant les séances.
Améliorer la grammaire à l’écrit grâce à la dictée
Ce n’est pas un secret, la dictée constitue un exercice redouté par les élèves. Pourtant, elle reste le meilleur moyen de mobiliser ses connaissances en grammaire et en vocabulaire. Pour cela, vous avez le choix entre plusieurs types d’exercices :
- La dictée donnée,
- La dictée négociée,
- La dictée du jour,
- La dictée zéro faute, etc.
Il ne reste plus qu’à définir une stratégie efficace pour préserver la motivation des élèves.
Mélanger les deux approches d’enseignement
Certains courants académiques opposent souvent l’approche inductive et déductive.
Dans une approche inductive, la leçon commence par une phase d’observation à travers des exemples concrets. L’enseignant corrige ensuite les déductions des élèves et énonce les règles. Il peut proposer un court exercice pour la mise en pratique ensuite.
Dans une approche déductive, le professeur explique d’emblée la leçon puis donne un exercice que la classe va corriger ensemble.
Les deux démarches contribuent à l’apprentissage d’une notion. Des études ont démontré qu’il n’existe pas de différence significative entre les résultats des deux approches.
En somme, le succès d’une approche réside avant tout dans les compétences pédagogiques de l’enseignant. Le choix d’une approche dépend donc du profil de la classe et de la leçon à enseigner.